Autant la bénédiction destinée à Juda fut développée, autant celle en faveur de ses frères, comme Zabulon ou Issacar, peut sembler brève.
Mais la destinée de ceux-ci n'a rien de comparable avec celle de Juda ... tout comme les conditions de leurs naissances !
Juda était le quatrième fils de la première épouse légitime de Jacob : Léa.
Il a hérité du droit d'aînesse puisque Jacob en a écarté les trois premiers fils.
Issacar et Zabulon viennent ensuite comme cinquième et sixième fils de Léa, dans des conditions assez surprenantes.
Celles-ci sont relatées dans l'épisode des mandragores en Genèse 30.14-20.
La mandragore est une plante aux propriétés hallucinogènes, qui parsème de nombreuses légendes, car on lui attribuait des vertus magiques.
Ces substances entraînent notamment des hallucinations suivies d'une perte de conscience.
On prête à la mandragore des propriétés aphrodisiaques qui suggèrent un potentiel fertilisant.
Pour ces différentes raisons, la mandragore est associée depuis l'Antiquité à des croyances et rituels magiques, à la sorcellerie.
Rachel comme Léa, les épouses de Jacob, étaient sous l'emprise de ces croyances.
Au prix d'une tractation entre les deux femmes, Léa va avoir de nouvelles relations avec Jacob qui vont lui donner Issacar puis Zabulon.
Mais qui a consommé de cette drogue ?
Léa ? Jacob ? Tous les deux ?
Il est intéressant de noter que Jacob, lors de sa bénédiction, inverse l'ordre de ses fils en citant Zabulon avant Issacar.
Il ne s'agit pas cette fois de privilégier le plus jeune car cette inversion ne lui apporte rien de plus.
Ceci reflète simplement le fait que la naissance occulte de ces deux enfants les place dans une position similaire.
Ces naissances sous l'emprise d'un marchandage lié à une drogue issue des mandragores se sont effectuées dans la confusion.
Les bénédictions de Jacob seront tout aussi confuses ...
Concernant Zabulon, Israël voit ses descendants habiter un ou plusieurs ports, sur le littoral, avec un territoire allant jusqu'à Sidon (Genèse 49.13).
Or, lors de la prise de possession du territoire de Canaan et de son partage, sous Josué, la tribu de Zabulon hérite d'une petite portion enclavée entre Asher, Nephtali, Issacar et Manassé.
Cette tribu n'a aucun accès à la mer et la bénédiction de Jacob ne correspond pas à ce qui se réalisera.
Concernant Issacar, Israël n'évoque pas un territoire mais les qualités de ce fils :
« Issacar est un âne robuste, couché entre deux fardeaux.
Il voit qu'il est bon de rester en place quand la terre est agréable. Il inclinera son épaule sous le fardeau, et se soumettra au tribut du serviteur. »
(Genèse 49.14 et 15)
Selon la tradition juive, les tribus d'Issacar et de Zabulon sont restées très liées.
Les descendants d'Issacar ont dédié leur temps à l'étude et à l'enseignement de la Torah, tandis que les membres de la tribu de Zabulon travaillaient pour les deux tribus.
Ainsi, les uns partageaient le mérite de l'étude tandis que les autres partageaient les fruits de leur travail.
Mais la prophétie de Jacob semble suggérer l'inverse puisque c'est Issacar qui supporte le fardeau du travail.
Là encore, c'est la confusion qui règne !
Finalement, ces deux tribus seront incorporées dans le Royaume du Nord après le schisme qui divisa le royaume de Salomon.
Et en 722 avant Jésus Christ, lors de l'invasion des Assyriens, les territoires d'Issacar et de Zabulon seront occupés et les deux tribus vont être comptées parmi les dix tribus perdues.