Il est fréquent, dans la Bible, que le plus jeune de deux fils l'emporte sur l'aîné.
Cependant, les circonstances et les motivations diffèrent.
Le premier cas d'inversion vient du Seigneur :
« Et quand les jours furent venus, alors Caïn apporta du fruit de la terre en offrande à JHVH.
Mais Abel offrit, de plus, des premiers-nés de son troupeau, de leurs parties grasses.
Et il prêta attention, JHVH, à Abel et à son offrande.
Quant à Caïn et à son offrande, il n'y prêta pas attention. »
(Genèse 4.3-5)
Caïn, l'aîné s'est livré à une offrande rituelle « quand les jours furent venus » ...
Abel a offert ce que son cœur lui disait de faire ...
« Par la foi, Abel offrit à Dieu un meilleur sacrifice que celui de Caïn. Grâce à elle, il fut déclaré juste ... » (Hébreux 11.4)
Le plus jeune va ainsi prendre la place de l'aîné dans le choix de Dieu.
Jaloux et violent, Caïn va tuer son frère.
Cette préférence divine pour le plus jeune va ensuite se décliner dans le monde des hommes.
Car même si les lois humaines privilégient le droit d'aînesse, les lois du cœur vont l'emporter.
Ishmaël, né d'un rapport avec la servante de Saraï, était le fils aîné d'Abram (Genèse 16.3).
Jaloux, Ishmaël va se moquer de son jeune frère (Genèse 21.9).
On insiste le plus souvent sur le fait que son jeune frère, Isaac, devait être l'héritier d'Abraham parce qu'il était le fils de Sarah, l'épouse légitime (Genèse 17.19).
Mais la relation entre Abram et la servante fut éphémère, sans rapport avec le lien qui a uni Abraham et Sarah jusqu'à la mort de celle-ci.
« Sarah mourut à Kiriath Arba, c'est-à-dire Hébron, en terre de Canaan, et Abraham vint porter le deuil pour Sarah et la pleurer. » (Genèse 23.2)
Le plus jeune, Isaac, a aussi pris la place de l'aîné dans le cœur d'Abraham.
Le plus âgé, Ishmaël, sera sauvage et rebelle ...
« Cet homme deviendra un âne sauvage, sa main contre tous, et toute main contre lui. Et il demeurera face à tous ses frères. » (Genèse 16.12)
Viennent ensuite les fils d'Isaac : Ésaü et Jacob ...
« Le premier sortit, entièrement roux, comme une fourrure. Et ils l'appelèrent du nom d'Ésaü.
Ensuite, son frère sortit. Sa main tenait le talon d'Ésaü. Ils l'appelèrent du nom de Jacob. »
(Genèse 25.25-26)
Ésaü symbolise la force, la virilité, voire la bestialité.
C'est lui l'aîné, le préféré de son père, Isaac, mais l'amour de sa mère, Rebecca, va plutôt vers le second, Jacob ...
« Les garçons grandirent. Ésaü devint un homme connaisseur en gibier, un homme de terrain, et Jacob un homme sans défaut restant sous les tentes.
Isaac aimait Ésaü parce qu'il mettait du gibier dans sa bouche ; et Rebecca aimait Jacob. »
(Genèse 25.27-28)
L'intelligence de Jacob lui permettra de ravir à son frère le droit d'aînesse puis la bénédiction de son père.
Sa mère l'a aidé, et son choix, son amour pour son fils préféré l'a emporté.
Dieu laisse faire ... Il préfère le cadet, plus évolué, moins violent, à la sauvagerie de l'aîné, trop primitif.
Jésus pourrait ajouter à ce sujet :
« Heureux les doux, car ils hériteront de la terre. » (Matthieu 5.5)
Quant à Jacob, qui enfanta une dizaine de fils avant que son épouse préférée, Rachel lui donne enfin deux fils, Joseph puis Benjamin, c'est encore les plus jeunes qui auront la priorité affective.
« Israël aimait Joseph plus que tous ses fils ... » (Genèse 37.3)
Une fois de plus, la jalousie va conduire les frères de Joseph à lui en vouloir.
Quand ses frères ont fait disparaître Joseph, la tendresse de Jacob s'est tournée ... vers le plus jeune, le petit dernier : Benjamin.
L'amour distingue à chaque fois celui qui semble le plus fragile, le plus pur, le moins violent ... le plus éloigné d'un monde adulte où règnent la jalousie, l'orgueil, l'ambition et tout ce que Dieu réprouve.
Aussi, pour conclure sa vie, Israël va s'inscrire dans la continuité.
Il aurait dû bénir en priorité le fils aîné de Joseph, Manassé, avec sa main droite.
Mais, volontairement, il croise les bras et inverse la bénédiction au profit du cadet : Éphraïm.
Jacob n'a pas dérogé à la loi du cœur ...
« Maintenant donc il demeure la foi, l’espérance, l'amour, tous trois.
Le plus grand des trois, c’est l'amour ! »
(Première épître aux Corinthiens 13.13)