L'Ancien Testament relate de nombreuses situations où des personnages déchirent leurs vêtements pour exprimer leurs émotions.
Ce peut-être à cause de la colère, ou pour exprimer son deuil, ou bien la honte.
Ruben exprima sa colère quand il découvrit que Joseph avait été vendu comme esclave ...
« Quand Ruben s'en revint à la citerne, voici : Joseph n’était plus dans la citerne !
Il déchira ses vêtements. »
(Genèse 37.29)
Peu de temps après, Jacob marque son deuil de la même manière ...
« Jacob déchira ses vêtements, et mit un sac de toile sur ses reins.
Il porta le deuil pour son fils de nombreux jours. »
(Genèse 37.34)
Lorsque l'on trouve la coupe en argent de Joseph dans le sac de Benjamin, c'est la honte qui conduit les frères à déchirer leurs vêtements.
Le vol imputé à Benjamin rejaillit sur toute la famille !
Selon la tradition du judaïsme, tous les Juifs avaient la possibilité de faire ce geste lorsqu'ils se retrouvaient dans une situation de détresse, sauf le sacrificateur qui, de ce fait, ne devait pas exprimer ainsi ses émotions.
Cette pratique n'est pas propre aux Juifs car sous l'Antiquité d'autres peuples y avaient recours.
De nos jours elle subsiste encore sous certaines formes dérivées, notamment en marquant son vêtement d'une déchirure signalant ainsi que l'on porte le deuil.
Il ne s'agit donc plus d'un acte spontané sous le coup de l'émotion mais d'un rituel destiné au regard de ceux que l'on croise.
Mais est-ce bien sincère ?
Se donner en spectacle n'est en effet guère compatible avec un véritable deuil qui, le plus souvent, se vit intérieurement dans la solitude.
« Déchirez vos cœurs, non vos vêtements ... » (Joël 2.13)
Le prophète invitait ses contemporains, sous l'inspiration de Dieu, à cesser les simulâcres afin de vivre réellement leurs peines.
Cependant, le fait d'exprimer publiquement sa honte peut aussi être sincère lorsque cela résulte d'une profonde humilité.
En déchirant ses vêtements, on montre à quel point l'être humain n'est rien face à la détresse qui l'éprouve.
La honte a des aspects positifs et d'autres négatifs.
Les aspects positifs de la honte sont de l'ordre de l'éducation, de l'apprentissage de la vie sociale.
La honte peut réguler les relations sociales. Elle protège ainsi en signalant les bonnes limites à ne pas dépasser.
Les Inuits utilisent notamment la honte pour apprendre aux enfants à ne pas traverser la banquise, risque mortel pour eux.
Quand un enfant traverse la glace pour la première fois, les Inuits lui font honte pour lui apprendre à faire attention à ce danger qui peut lui coûter la vie.
La honte invite ainsi celui qui est fautif à se repentir.
La honte a des aspects négatifs quand elle est excessive.
Elle peut être le fruit d'une machination contre quelqu'un.
Elle devient alors une source de souffrance individuelle.
Elle suscite des conduites d'évitement, une phobie sociale, une anxiété liée à un sentiment d'insécurité, une dévalorisation de l'individu va aussi se manifester.
Un isolement social va alors s'ensuivre pouvant pousser la personne jusqu'au suicide.
Les excès de honte proviennent des humiliations, du mépris, des moqueries, de l'illégitimité, des secrets, de la régression sociale, de la rivalité, du mensonge.
Nous touchons là le domaine du harcèlement qui génère ainsi une honte injustifiée.
Ainsi le regard des autres peut contribuer à vous détruire en vous imposant une honte insupportable.
Ceci peut se révéler dans tous les milieux sociaux ... religieux ou non.
Combien de chrétiens se sont laissés aller sur ce terrain de dénigrement mettant en cause tel ou tel individu plus ou moins suspecté d'avoir commis des péchés ?
Pourtant Jésus a enseigné à ce sujet ...
« Ne jugez pas afin que vous ne soyez pas jugés.
En effet, vous serez jugés du jugement par lequel vous jugez, et vous serez mesurés de la mesure par laquelle vous avez mesuré. »
(Evangile selon Matthieu 7.1-2)