Faut-il attacher de l'importance au fait que Laban et Jacob désignent le lieu de leur alliance par deux noms différents ?
Si l'on conserve les termes d'origine, nous obtenons :
« Laban l'appela "Jegar Sahadutha" et Jacob l'appela "Galed". »
Laban s'exprimait en araméen ... Jacob s'exprimait en hébreu.
En fin de compte, Laban accepte de reconnaître la désignation de Jacob :
« Aussi il l'appela "Monceau du témoin". » (Genèse 31.48)
Mais s'il accepte de désigner ce lieu en hébreu par "Galed", il ajoute aussi "lieu de veille" en précisant :
« JHVH veillera, entre moi et entre toi, quand nous serons séparés, l'homme loin de son associé. » (Genèse 31.49)
JHVH est pris comme témoin.
Ce lieu qui était un symbole, un témoignage d'alliance de paix entre les deux hommes, prend ainsi une autre dimension spirituelle avec JHVH comme troisième personne associée au témoignage en qualité de témoin principal.
Le lieu du témoignage pouvait se définir horizontalement dans l'espace dans les limites d'un monceau de pierres.
Par la présence de JHVH comme témoin, une troisième dimension, verticale, est associée.
Mais de quoi JHVH est-il témoin ?
« Que ce monceau soit témoin, et que cette stèle soit témoin, que je ne passerai pas ce monceau vers toi, et que tu ne passeras pas ce monceau vers moi, ainsi que la stèle, pour agir en mal. » (Genèse 31.52)
Par cette parole, Laban vient de définir une limite à ne pas franchir avec des intentions belliqueuses.
Il s'agit donc d'une frontière entre les deux familles, ultérieurement deux peuples, qui pourra toujours être franchie si l'un comme l'autre sont animés d'intentions amicales.
Et le fait que ce lieu soit désigné à la fois en araméen et en hébreu confirme qu'il s'agit bien d'une borne frontière.
Les humains ont ainsi besoin de signes distinctifs pour définir les limites de leurs domaines respectifs.
Si vous parcourez les limites d'un territoire national, vous pourrez trouver des bornes frontières numérotées notamment entre la France et l'Espagne.
Après le traité des Pyrénées signé en 1659, deux siècles se sont écoulés avant d'en arriver à un positionnement précis des limites frontalières sous Napoléen III (en 1862) avec 602 bornes officielles qui ont succédé à de multiples édifices, ou marques sur les rochers, réalisés notamment par les bergers.
Chacun chez soi, chacun son troupeau !
Nous retrouvons avec ce bornage moderne la survivance d'un problème ancien résultant des activités pastorales.
Jacob et Laban avaient séparé leurs troupeaux ... il faudra ensuite séparer les territoires.
Il est impossible d'énumérer les conflits territoriaux qui ont pu surgir de par le monde faute d'avoir correctement délimité les territoires ... ou de ne pas avoir respecté les limites arrêtées d'un commun accord.
Car si Jacob et Laban ont pris Dieu à témoin de leurs engagements respectifs, il est bien évident que tous les peuples du monde ne procèdent pas de même ... notamment lorsque leurs croyances diffèrent.
Il faut d'ailleurs constater que la formulation de Laban peut sous-entendre des divergences à ce sujet :
« L'Elohim d'Abraham et l'Elohim de Nahor seront juges entre nous, l'Elohim de leurs pères. » (Genèse 31.53)
Jacob a des doutes sur la façon dont Laban honore Elohim ... notamment à cause des idoles.
Aussi trouve-t-il plus prudent de s'en tenir au Dieu de son père :
« Jacob jura par celui qu'Isaac admirait. » (Genèse 31.53)
Quant à nous, qui peut être notre témoin sachant qu'il est écrit : « Déjà maintenant, mon témoin est dans le ciel, mon témoin est dans les lieux élevés. » (Livre de Job 16.19)
Suivant les régions, selon les territoires, il est fréquent dans le monde christianisé que l'on se réfère à une figure locale, un héros de la foi qui consacra sa vie au service de Jésus.
Mais faut-il se référer à un quelconque personnage du calendrier qui a été déclaré "saint" par les institutions religieuses, institutions composées d'hommes dont la fiabilité demeure discutable ?
Peut-on prendre tel ou tel "saint" comme témoin, comme destinataire de nos prières, comme intercesseur auprès de Dieu, alors qu'il est écrit à propos de Jésus :
« Il n'y a de salut en aucun autre, car aucun autre nom n'a été donné sous le ciel aux hommes par lequel nous pourrions être sauvés. » (Actes des Apôtres 4.12)
Jésus, seul, sera notre témoin auprès du Père en temps voulu !