Jacob avait démontré par le passé qu'il pouvait tromper son entourage, à commencer par Isaac, son propre père.
Il s'était fait passer pour Ésaü, son frère, afin de détourner la bénédiction paternelle à son profit (Genèse 27.19).
Mais il va être à son tour trompé par Laban qui lui a livré Léa au lieu de Rachel.
Pour justifier cet acte, Laban va se référer à la tradition :
« Cela ne se fait pas chez nous de donner la plus jeune face à l'aînée. » (Genèse 29.26)
On peut aussi considérer qu'il serait humiliant pour l'aînée de rester seule face à la plus jeune qui aurait trouvé son conjoint.
Mais en fait Laban veut surtout profiter de la force de travail de Jacob en lui imposant sept années de service supplémentaire :
« Achève la semaine pour celle-ci !
Et nous te donnerons de plus celle-là pour le service que tu me rendras au cours de sept nouvelles années. »
(Genèse 29.27)
Celle-ci (Léa) ... puis celle-là (Rachel) ... Laban vend ses filles l'une après l'autre.
Dans cette société patriarcale, la vie de sa propre fille se marchandait comme celle d'une esclave.
On pourrait en déduire que, sur le plan de la moralité, la Bible fait l'éloge de pratiques jugées ignobles de nos jours.
Mais en fait il s'agit de relater un état de faits ... et non de le mettre en valeur.
Ce genre d'enseignement ne vise pas à inciter le lecteur à en faire autant, mais bien au contraire à susciter chez lui une réaction de rejet de telles pratiques.
Les sociétés primitives se sont bien souvent développées au mépris des droits de l'homme ... et surtout des droits de la femme.
De nos jours encore, il est fréquent que des pratiques en vigueur il y a 4000 ans demeurent la règle !
Jacob avait trompé son père Isaac : était-ce bien moral ?
Jacob aura travaillé sept ans (qui aura valu une semaine aux yeux de Jacob) pour Léa avant d'obtenir Rachel après un autre septénaire : est-ce bien moral ?
Jacob, le trompeur, est maintenant trompé par Laban : est-ce un juste retour des choses ?
Dans l'histoire de "L'Arroseur arrosé", on considère fréquemment que celui qui a provoqué l'autre récolte légitimement une sanction en retour.
La mésaventure de Jacob est différente ... mais n'incite pas pour autant à le plaindre de devoir s'acquitter de sept années supplémentaires au service de Laban.
Il n'est d'ailleurs pas écrit que lui-même s'en est plaint.
En complément de ses filles, Laban leur adjoint une servante.
Zilpa pour Léa (Genèse 29.24) et Bilha pour Rachel (Genèse 29.29).
L'une comme l'autre devront se soumettre à la volonté de leurs maîtresses qui imposeront qu'elles aient des relations avec Jacob pour avoir des enfants.
Est-ce bien moral ?
Ainsi va se constituer la famille de Jacob qui aura douze fils, lesquels seront à l'origine des douze tribus d'Israël, suivant une trame que l'on peut à juste titre considérer comme immorale.
Douze fils issus de quatre mères différentes, les uns seront frères, les autres demi-frères.
Déjà la Bible a souligné les rivalités entre les frères : Caïn et Abel, Ésaü et Jabob ... pour ne citer que ceux-là.
Si des frères se comportent ainsi, nous pouvons déjà anticiper que cette douzaine de demi-frères seront potentiellement porteurs de rivalités, jalousies, et autres discordes à l'origine de multiples tromperies et d'autant de guerres fraticides.
Jacob, le trompeur trompé sera ainsi le père d'un peuple qui va se déchirer entre frères pendant des siècles.
Peut-on encore parler de frères ?
Mais qui est mon frère ?
« Quiconque fait la volonté de mon Père céleste, celui-là est mon frère, ma sœur ou ma mère. » (Evangile selon Matthieu 12.50)
Cette parole de Jésus ne visait pas à renier sa propre famille ... mais à l'étendre au-delà du lien familial sur le fondement d'un lien spirituel.
En principe, sur le fondement de ce lien spirituel, il ne devrait y avoir nulle tromperie entre des hommes ou des femmes, qu'ils soient membres ou non de la même famille.
Car la volonté de Dieu, c'est l'honnêteté et la franchise.
La tromperie n'est pas le fruit de la volonté de notre Père céleste mais du père du mensonge : le Diable, incarné en serpent au début de la Genèse.
Face à ses détracteurs, Jésus répondit un jour :
« Vous avez le diable pour père, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Celui-là était un assassin dès le commencement. Il ne s'est pas maintenu dans la vérité car il n'y a pas de vérité en lui. Quand il diffuse le mensonge, il puise dans son patrimoine, parce qu'il est menteur et père du mensonge. » (Evangile selon Jean 8.44)
Cette réponse peut nous réconforter.
Elle démontre que la Bible ne se contente pas de relater des évènements immoraux ... elle nous donne aussi les moyens d'y répondre par les vertus morales !