Pourquoi Abraham ne veut-il pas que son fils, Isaac, se marie avec une fille de Cananéen ?
Est-ce à dire que celles-ci soient plus mauvaises que d'autres?
Ou encore qu'Abraham veuille en quelque sorte préserver la "pureté de la race" dont il est issue ?
De telles interprétations nous éloigneraient du fait qu'Abraham respectait le peuple cananéen au sein duquel il résidait ... tout comme il a pu respecter le peuple d'Egypte quand il y séjourna.
Pour ne citer qu'un exemple, rappelons quel fut le comportement d'Abraham face aux fils de Heth, qui étaient cananéens :
« Abraham se leva et s'inclina devant le peuple de ce territoire : les fils de Heth. » (Genèse 23.7)
Il faut plutôt examiner la dimension spirituelle de cette question.
Abraham était monothéiste, il croyait en un Dieu unique qu'il pouvait aussi bien appeler JHVH, Elohim, Adonaï ...
Ces différentes dénominations n'ôtent rien à l'unité de Dieu.
Il n'en allait pas de même des populations vivant en territoire cananéen.
Certes, celles-ci pouvaient reconnaître l'existence du Dieu d'Abraham ... mais parmi d'autres dieux !
Il était courant dans l'Antiquité de craindre que les dieux des autres soient supérieurs aux siens.
Ceci impliquait donc un respect pour toutes sortes de divinités, bonnes ou mauvaises, connues ou inconnues.
Deux mille ans plus tars, au temps de l'apôtre Paul, les païens continuaient d'honorer toutes sortes de divinités, y compris à Athènes où Paul trouva un autel où était écrit :
« Au dieu inconnu. » (Actes des Apôtres 17.23)
Le fait d'être isolé dans un monde spirituellement hostile, pour ne pas dire dangereux, incite donc Abraham à la précaution.
D'autres que lui n'ont pas respecté un tel principe de précaution au regard des nations païennes ... et la conséquence fut hautement dommageable.
« Ce fut à ces nations que s'attacha Salomon, entraîné par l'amour.
Il eut sept cents princesses pour femmes et trois cents concubines ; et ses femmes détournèrent son cœur. »
(Premier Livre des Rois 11.2-3)
Quel est donc cet "amour" qui détourna le cœur de Salomon ?
L'amour de Dieu ... non, celui de la chair !
« A l'époque de la vieillesse de Salomon, ses femmes inclinèrent son cœur vers d'autres dieux ; et son cœur ne fut point tout entier à JHVH, son Elohim, comme l'avait été le cœur de David, son père.
Salomon alla après Astarté, divinité des Sidoniens, et après Milcom, l'abomination des Ammonites. »
(Premier Livre des Rois 11.4-5)
Voici donc le risque pressenti par Abraham : que les filles des Cananéens détournent Isaac de JHVH, son Elohim, comme ce sera plus tard le cas pour Salomon.
En appliquant ce principe de précaution, Abraham espérait trouver dans sa famille de meilleures références spirituelles que celles qui avaient cours dans le monde païen.
Il ne pouvait être certain qu'il en serait ainsi ... mais la rencontre avec Rebecca, l'épouse destinée à Isaac, va se révéler fructueuse puisque Laban, le frère de Rebecca, va s'exprimer en ces termes :
« Viens ! Béni de JHVH. » (Genèse 24.31)
Laban invoque JHVH et non une divinité païenne.
N'est-ce pas suffisant ?
Un tel principe de précaution est-il encore nécessaire de nos jours pour le choix de nos conjoints ?
Devons-nous craindre pour nous-mêmes, ou ceux qui nous sont proches, de sombrer dans l'idolâtrie, ou toute autre dérive spirituelle, pour ne pas avoir choisi la bonne personne ?
L'apôtre Paul a édicté une position de principe à ce sujet :
« Ne formez pas un attelage disparate avec les incroyants. Car qu'y a-t-il de commun entre la justice et l’iniquité ?
Et quelle convergence entre la lumière et les ténèbres ? »
(2 Corinthiens 6.14)
Cette position ne vise pas spécialement les unions matrimoniales mais toutes formes d'alliances que l'on peut être amené à contracter dans cette vie.
Il faut donc toujours être prudent !
Il faut aussi être prudent dans les interprétations hermétiques que l'on peut donner aux textes bibliques.
Car Paul lui-même, sans remettre en cause la position de principe édictée ci-dessus, a envisagé le cas des couples où seul l'homme, ou la femme, est croyant :
« Si un frère à une femme non croyante, et qu'elle consente à habiter avec lui, qu'il ne la repousse pas.
Et si une femme a un mari non croyant, et qu'il consente à habiter avec elle, qu'elle ne repousse pas son mari.
Car le mari non croyant a été sanctifié par sa femme, et la femme non croyante a été sanctifiée par le frère. Autrement, vos enfants seraient impurs or, maintenant ils sont saints. »
(1 Corinthiens 7.12-14)
Paul apportait ainsi un message de réconfort à l'égard des enfants nés de cette union et invitait aussi à la stabilité du couple.
Mais il va plus loin en apportant une note d'espérance :
« En effet, sais-tu femme si tu sauveras ton mari ?
Ou bien, sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ? »
(1 Corinthiens 7.16)
Abraham ne pouvait s'engager sur une telle voie qui comporte un risque.
Car il faut aussi s'interroger en sens inverse :
« En effet, sais-tu femme si ton mari ne te détournera pas de la foi ?
Ou bien, sais-tu, mari, si ta femme ne te détournera pas de la foi ? »
Aussi, que chacun agisse selon ses convictions.
Mais ne venons pas dire que nous n'avions pas été prévenus !