Le serviteur est venu pour emmener Rebecca afin que celle-ci devienne l'épouse d'Isaac, le fils d'Abraham.
Comment faut-il comprendre le fait qu'il donne ainsi toutes sortes de biens matériels tant à la future épouse qu'à sa famille ?
S'agit-il de cadeaux ou d'une dot ?
Une dot désigne d'ordinaire un apport de biens par une des familles, ou par le fiancé, au patrimoine de l'autre, ou du futur ménage.
La dot accompagne le mariage dans de nombreuses cultures.
Il peut s'agir de biens dont la femme ou le mari sont dotés par leurs familles, ou encore d'un don entre époux.
L'anthropologie sociale distingue ainsi deux sortes de prestations selon le sens de la dotation :
- la dot de mariage, apportée par la famille de l'épouse à celle-ci ou au ménage,
- le "prix de la fiancée" apporté par le mari, ou sa famille, à la famille de sa future épouse.
Dans le cas présent, il ne peut s'agir d'une dot de mariage apportée par la famille de l'épouse car il n'en est fait aucune mention.
Une telle pratique a bien souvent conduit à des "mariages intéressés", autant d'échecs en perspective, qui se résume par une formule : "Épouser une fille pour sa dot."
A l'inverse, lorsque le futur époux apporte une dot, c'est pour compenser auprès de la famille la perte de l'une des leurs.
C'est le "prix de la fiancée", que l'on achète en quelque sorte, sous forme de prestations, en biens ou en services, fournies par le prétendant, avec l'appui de sa famille, en reconnaissance du don constitué par la femme qui lui est accordée en mariage.
Cette pratique est fréquente et s'accompagne bien souvent de la vente de jeunes filles sans leur consentement.
Est-ce le cas lorsque le serviteur d'Abraham donne toutes sortes de présents à Rebecca et à sa famille ?
Est-ce le prix de la fiancée ?
En ce cas, le texte biblique devrait faire état d'une évaluation, d'une tractation pour définir combien valait Rebecca.
Or il n'en est rien !
Bien au contraire, c'est spontanément que le serviteur donne tous ces cadeaux après avoir écouté Laban et Bethuel et s'être incliné devant JHVH (Genèse 24.52).
Le fait d'offrir des cadeaux ne doit donc pas être assimilé à une dot.
C'est une pratique courante qui contribue à tisser du lien social dans un climat de convivialité réciproque.
La famille de Rebecca avait spontanément accueilli le serviteur d'Abraham.
Les cadeaux en retour sont un signe de reconnaissance ... et d'alliance entre les familles.
La nature de ces cadeaux n'est d'ailleurs pas précisée.
Si l'on se réfère au commentaire du rabbin Rachi à propos de ce verset, on relève l'observation suivante concernant le terme hébreu miguedanoth qu'il traduit par "objets précieux" :
"Ce mot désigne, comme megadim dans Chir hachirim (7, 14), des fruits délicats qu’il avait emportés d’Erets Israël (Beréchith raba 60, 11)."
Des dattes ? Des amandes ? Des productions végétales de la terre d'Israël ...
Il ne serait donc plus question d'or ou autres monnaies d'échange mais de denrées alimentaires destinées à être consommées dans le cadre d'un festin de réjouissances.
Nous relevons d'ailleurs, aussitôt après ce don, la mention d'un repas convivial (Genèse 24.54).
De nos jours, outre le repas de noces, le signe de l'alliance entre les époux se traduit par l'échange d'anneaux le plus souvent en or.
Ces alliances sont un symbole.
Tout comme les cadeaux renforcent les liens entre ceux qui les font, les alliances sont un signe d'union entre ceux qui les portent.
Rien ne permet d'affirmer pour autant que le mariage sera durable et heureux.
Car la véritable alliance, le vrai cadeau qui peut souder les époux, ce ne sont pas des objets en or ... mais la présence de Dieu au sein du couple !