« ... frères et mortels. »
Quelle surprenante évocation !
La plupart des traductions évoquent le fait qu'Abram parle de "frères" mais omettent le mot hébreu qui se traduit par "mortels".
La traduction d'André Chouraqui mentionne "des hommes, des frères" pour rappeler que la condition humaine trouve la mort à son terme.
Mais si Abram a insisté sur ce point, c'est bien parce qu'il entendait souligner le risque de dégradation du conflit entre ses bergers et ceux de Loth.
Abram et Loth n'étaient pas frères au sens premier du terme puisque Loth était le neveu d'Abram.
Mais la notion de "frères" est souvent comprise dans la Bible dans un sens plus large ... celui de la famille, ou d'un peuple.
Cette extension de la fraternité est d'autant plus nécessaire que la famille d'Abram et de Loth vivaient parmi des peuples qui pouvaient les considérer comme des étrangers.
« Cananéen et Perizzite habitaient alors le pays. » (Genèse 13.7)
Dans ses conditions, il était indispensable de rester unis ... et non de sombrer dans l'affrontement comme ce fut le cas des deux premiers frères de l'humanité : Caïn et Abel.
"Deux frères mortels ..."
Tellement mortels que l'un tua l'autre ...
« Et Caïn parla à son frère Abel puis il le suivit. A
Arrivés au champ, Caïn se dressa contre Abel, son frère, et le tua. » (Genèse 4.8)
Tout comme Abram s'est adressé à Loth, Caïn a parlé à son frère, Abel ... avant de le tuer.
La parole peut être une source d'enrichissement mutuel, d'apaissement, une recherche de solutions positives.
C'est ce qui s'est produit avec Abram qui était un homme de Dieu vivant par la foi.
Caïn, par contre, vivait dans l'amertume, l'agressivité, la violence.
La parole, l'échange verbal, ne pouvaient aboutir à une conciliation entre les deux frères.
Il arrive bien souvent que des tentatives de dialogues s'achèvent dans l'impasse.
Même si vous êtes animés des meilleures intentions, si votre interlocuteur ne souhaite pas aboutir dans la paix, vous ne pourrez que sombrer dans le conflit.
Vous songerez peut-être alors à cet enseignement pacifique de Jésus ...
« Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Quant à celui qui te frappe sur la joue droite, tourne l'autre aussi vers lui. » (Matthieu 5.39)
Mais est-ce que cela va marcher ?
Dans d'autres circonstances, vous penserez peut-être à cet autre enseignement de Jésus ...
« Mais maintenant, que celui qui a une bourse la prenne, de même pour le sac, et que celui qui n’a pas d’épée vende son manteau et s'en achète une. » (Luc 22.36)
Jésus savait que ses disciples devraient faire face à la violence même si, lorsqu'il était à leurs côtés, il en allait tout autrement :
« Quand je vous ai envoyés sans bourse, ni sac, ni sandales, avez-vous manqué de quelque chose ? » (Luc 22.35)
Les circonstances étaient différentes, nul besoin d'épée en présence de Jésus, mais face à ce monde où règne la violence, il peut être nécessaire de s'armer.
Nécessaire ... mais pas obligatoire, ni systématique.
Car avant de se précipiter dans cette direction, il sera toujours préférable de rechercher une solution amiable, comme des frères mortels, même si nous pressentons l'échec des négociations.
Car il faut toujours s'attendre à un revirement de situation et, pour y faire face, demeurer en liaison étroite avec notre meilleur conseiller : l'Esprit Saint que Jésus nous a envoyé.
« Je bénis JHVH qui me conseille, même la nuit, ma conscience m'avertit. » (Psaume 16.7)