Etudes et commentaires de la Bible

Esaïe ... chapitre 47 : Complainte sur Babylone

La Bible et les prophètes

Traduction Louis Segond 1910

1 Descends, et assieds-toi dans la poussière, Vierge, fille de Babylone ! Assieds-toi à terre, sans trône, Fille des Chaldéens ! On ne t’appellera plus délicate et voluptueuse.

2 Prends les meules, et mouds de la farine ; Ote ton voile, relève les pans de ta robe, Découvre tes jambes, traverse les fleuves !

3 Ta nudité sera découverte, Et ta honte sera vue. J’exercerai ma vengeance, Je n’épargnerai personne.

4 Notre rédempteur, c’est celui qui s’appelle l’Eternel des armées, C’est le Saint d’Israël.

5 Assieds-toi en silence, et va dans les ténèbres, Fille des Chaldéens ! On ne t’appellera plus la souveraine des royaumes.

6 J’étais irrité contre mon peuple, J’avais profané mon héritage, Et je les avais livrés entre tes mains : Tu n’as pas eu pour eux de la compassion, Tu as durement appesanti ton joug sur le vieillard.

7 Tu disais : A toujours je serai souveraine ! Tu n’as point mis dans ton esprit, Tu n’as point songé que cela prendrait fin.

8 Ecoute maintenant ceci, voluptueuse, Qui t’assieds avec assurance, Et qui dis en ton coeur : Moi, et rien que moi ! Je ne serai jamais veuve, Et je ne serai jamais privée d’enfants !

9 Ces deux choses t’arriveront subitement, au même jour, La privation d’enfants et le veuvage ; Elles fondront en plein sur toi, Malgré la multitude de tes sortilèges, Malgré le grand nombre de tes enchantements.

10 Tu avais confiance dans ta méchanceté, Tu disais : Personne ne me voit ! Ta sagesse et ta science t’ont séduite. Et tu disais en ton coeur : Moi, et rien que moi !

11 Le malheur viendra sur toi, Sans que tu en voies l’aurore ; La calamité tombera sur toi, Sans que tu puisses la conjurer ; Et la ruine fondra sur toi tout à coup, A l’improviste.

12 Reste donc au milieu de tes enchantements Et de la multitude de tes sortilèges, Auxquels tu as consacré ton travail dès ta jeunesse ; Peut-être pourras-tu en tirer profit, Peut-être deviendras-tu redoutable.

13 Tu t’es fatiguée à force de consulter : Qu’ils se lèvent donc et qu’ils te sauvent, Ceux qui connaissent le ciel, Qui observent les astres, Qui annoncent, d’après les nouvelles lunes, Ce qui doit t’arriver !

14 Voici, ils sont comme de la paille, le feu les consume, Ils ne sauveront pas leur vie des flammes : Ce ne sera pas du charbon dont on se chauffe, Ni un feu auprès duquel on s’assied.

15 Tel sera le sort de ceux que tu te fatiguais à consulter. Et ceux avec qui tu as trafiqué dès ta jeunesse Se disperseront chacun de son côté : Il n’y aura personne qui vienne à ton secours.

Traduction œcuménique de la Bible

1. Tombe très bas, affale-toi dans la poussière, vierge, fille de Babylone, affale-toi à même le sol, privée de trône, fille des Chaldéens, car plus jamais tu n'obtiendras que l'on t'appelle « Délicate et Jouisseuse ».

2. Prends le moulin, mouds la farine, découvre tes tresses ; retrousse ta robe, découvre tes cuisses, passe les fleuves :

3. que soit découverte ta nudité, que soit vu ce qui t'expose à la risée. La vengeance, je la prendrai, et je n'aurai pas recours à un homme :

4. Celui qui nous rachète, son nom est le SEIGNEUR de l'univers, le Saint d'Israël.

5. Affale-toi sans dire un mot, entre dans les ténèbres, fille des Chaldéens, car plus jamais tu n'obtiendras que l'on t'appelle « Dominatrice des royaumes ».

6. J'étais irrité contre mon peuple : j'avais déshonoré mon patrimoine, je les avais livrés en ta main ; mais tu ne leur as montré aucune pitié, sur le vieillard tu as fait peser ton joug avec excès.

7. Tu disais : « je serai pour toujours, perpétuellement dominatrice ». Tu n'as pas réfléchi dans ton cœur au sens des événements, ni songé à leur suite.

8. Mais maintenant, écoute ceci, voluptueuse, trônant avec assurance, toi qui dans ton cœur disais : « C'est moi qui compte, et le reste n'est que néant. Non, je ne resterai jamais veuve, j'ignorerai la perte de mes enfants. »

9. Ces deux choses vont t'arriver, dans l'instant, en un jour : perte de tes enfants, veuvage aussi – le comble ! – arriveront sur toi, bien que s'entassent tes recettes magiques et que foisonnent tes enchantements, avec excès.

10. Tu tirais assurance de ta malice, tu disais : « Personne ne me voit. » C'est ta « sagesse » et c'est ta « science », ce sont elles qui t'ont circonvenue. Et toi, dans ton cœur, tu disais : « C'est moi qui compte, et le reste n'est que néant ! »

11. Voici qu'arrivera sur toi un malheur : tu ne sauras le conjurer, voici que tombera sur toi un désastre : tu ne pourras t'en protéger ; oui, sur toi arrivera soudain un saccage dont tu n'as pas idée.

12. Monte donc la garde au milieu de tes enchantements, sur le tas de recettes magiques pour lesquelles tu t'es fatiguée depuis ta jeunesse : tu pourras peut-être en tirer profit, et peut-être effaroucher !

13. Tu es importunée par des tas de conseils : qu'ils se présentent donc, et qu'ils te sauvent, ceux qui compartimentent les cieux, lisent dans les étoiles et font connaître à chaque nouvelle lune ce qui doit t'arriver !

14. Voici qu'ils seront comme de la paille, un feu les brûlera, ils ne pourront pas se soustraire à la main de la flamme : ce ne sera plus la braise pour se chauffer, rougeoiement pour s'asseoir devant !

15. Ainsi sont-ils pour toi, ceux pour qui tu t'es fatiguée, qui t'exploitent depuis ta jeunesse : chacun de son côté ils sont errants, nul pour toi n'est sauveur !

Commentaires du chapitre 47

47.1 à 47.15 : La complainte du prophète
Au premier verset, Esaïe en appelle à Babylone afin qu'elle s'incline, qu'elle s'abaisse, qu'elle descende des hauteurs de ses prétentions.

Car elle va connaître la poussière et son image sera loin d'être sublime.

Rapidement, le prophète associe Babylone à une prostituée :

« Délicate et Jouisseuse. »

Un qualificatif qui est contradictoire avec le fait qu'elle soit qualifiée de "vierge" au même verset, ce qui est peut-être sarcastique.

Car les versets 2 et 3 viennent alimenter le souvenir d'une prostituée.

Dans l'imaginaire judéen, Babylone va s'inscrire comme le symbole de la dépravation.

Pour avoir conquis le royaume de Juda, déporté son peuple, brillé par ses fastes et sa puissance passagère, elle sera encore décrite dans des termes violents cinq siècles plus tard :

« Elle est tombée, elle est tombée, la grande Babylone ! Elle est devenue la demeure de démons, le repaire de tout esprit impur, de tout oiseau impur, et elle en fut haïe.

Car toutes les nations se sont abreuvées du vin de sa fureur de prostitution, et les rois de la terre se sont prostitués avec elle. Les marchands de la terre se sont enrichis de son luxe démesuré. » (Apocalypse 18.2-3)

Il s'avère cependant que Jean de Patmos, tout en se référant à Babylone, prophétisait en fait la chute de Rome.

Car le rapprochement entre Babylone et Rome est évident quand il écrit :

« Sur son front un nom était écrit, un mystère : Babylone la grande, la mère des prostituées et des abominations de la terre. (...)

Ici se révèle l’intelligence associée à la sagesse : les sept têtes sont sept montagnes, sur lesquelles la femme est assise. » (Apocalypse 17.4 & 9)

Tout comme Babylone, Rome pouvait croire et proclamer :

« Je serai pour toujours, perpétuellement dominatrice. » (verset 7)

Mais l'Empire romain s'est effondré, comme toutes constructions humaines finissent par s'effondrer.

Au XXe siècle, un dictateur qui se prenait pour le nouveau messie a proclamé :

"Mon empire vivra mille ans !"

Son "Reich" a vécu douze ans, mais il est vrai que le souvenir des horreurs commises ne s'éteindra jamais...

... Sommaire ... ESAIE 47 ... Chapitre suivant ...