Juda ne peut pas retourner voir son père sans Benjamin.
Il s'était engagé à le ramener vivant.
« Moi, je réponds de lui. Tu le redemanderas de ma main.
Si je ne te le ramène pas, et si je ne le présente pas devant ta face, je serai pour toujours un pécheur envers toi. »
(Genèse 43.9)
Juda n'aurait pas pu vivre avec ce sentiment de culpabilité envers son père et préfère donc se donner en échange de Benjamin et rester en Égypte comme esclave.
Les motivations de Juda ne relèvent pas prioritairement d'un esprit de sacrifice, d'une volonté de substitution pour sauver son frère, mais d'un code de l'honneur qui l'oblige à respecter la parole donnée à son père.
Cette attitude est louable, car honorer ses parents deviendra l'un des dix commandements donnés à Moïse par le Seigneur.
Mais honorer ses parents pour ne pas se sentir coupable est-il suffisant ?
Ne doit-on pas plutôt les honorer par amour, afin qu'il vivent en paix, et non pour se libérer du poids d'un péché ?
L'esprit de sacrifice qui consiste à donner, ou se donner, repose sur un sentiment altruiste, l'amour du prochain, quitte à faire l'impasse sur l'amour de soi.
On ne se sacrifie pas pour se faire plaisir, on le fait pour faire plaisir aux autres.
On ne se sacrifie pas pour soulager sa conscience ... et on ne se sacrifie pas non plus en attendant quelque chose en retour.
"C'est cela l'amour, tout donner, tout sacrifier sans espoir de retour." (Albert Camus)
Albert Camus était athée.
Mais ce qu'il a pu écrire croise parfois les chemins de la foi.
Comparons cette citation de Camus à ce célèbre verset :
« Car Dieu a tellement aimé le monde qu'il a donné son Fils, l'Unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse mais qu'il ait la vie éternelle. » (Evangile selon Jean 3.16)
Dans la citation comme dans ce verset, il est question d'amour et de sacrifice.
En sacrifiant son Fils, l'Unique, Dieu a tout donné par amour.
Une question demeure : Dieu attend-il quelque chose en retour ?
Jean 3.16 pourrait laisser entendre que Dieu attend en retour du sacrifice de son Fils, Jésus, que l'on croit en lui.
La démarche spirituelle serait donc la suivante :
"Si je crois que Jésus s'est sacrifié pour moi, je gagne la vie éternelle, donc j'ai tout intérêt à croire."
Il s'agirait donc d'une sorte de marchandage, d'un calcul préalable fondé sur un raisonnement qui conduit l'individu à se forcer à croire pour être sauvé.
Il est probable que beaucoup de "croyants" fonctionnent ainsi, notamment parce qu'ils ont été élevés dans un milieu qui leur a inculqué que le salut, la grâce de Dieu, est le produit de leurs bonnes actions.
Mais cela ne fonctionne pas ainsi ...
« Car vous êtes sauvés par la grâce, par la foi. Et ceci ne vient pas de vous, c'est le don de Dieu.
Cela ne vient pas des œuvres, afin que personne ne se vante.
Car nous sommes Son ouvrage, créés en Jésus Christ pour de bonnes œuvres que Dieu a préparées d'avance, afin que nous les réalisions. »
(Epître aux Ephésiens 2.8-10)
Ni le salut, ni la foi ne se "fabriquent" par des œuvres.
La foi vient d'un appel reçu de Dieu qui vous pousse à croire que Jésus s'est sacrifié, qu'Il s'est donné en échange, afin de vous sauver de la mort éternelle.
Comme l'écrivait l'apôtre Paul, le chrétien devient ainsi l'ouvrage de Dieu, créé pour de bonnes œuvres.
Celles-ci sont le fruit de la conversion ... ce ne sont pas elles qui ont précédé la conversion.
Dieu attend-il que nous réalisions les bonnes œuvres qu'il a préparées d'avance ?
Nous restons libres de notre engagement.
Si nous nous forçons à accomplir ces bonnes œuvres, nous agissons comme Juda qui honorait son père pour ne pas avoir le sentiment d'être un pécheur.
Nous vivrons alors sous la contrainte.
Si nous les accomplissons spontanément par amour, et dans l'amour, nous approcherons alors de la "sérénitude".
Vous ne trouverez peut-être pas ce mot dans votre dictionnaire car "sérénitude" est un néologisme composé des mots "sérénité" et "béatitude".
C'est un état de bien-être absolu qui vous est offert par le Seigneur.
Dieu n'attend rien en retour du sacrifice de son Fils car c'est un don gratuit :
« Le don gratuit de Dieu, c'est la vie éternelle en Jésus Christ notre Seigneur. » (Epître aux Romains 6.23)