Comment comprendre le sens d'un mot sans le situer dans son contexte ?
Le terme de « gardes » utilisé dans ce verset de Genèse 40.3 va se révéler un synonyme de « bourreaux ».
Nous avions précédemment ce même mot pour désigner Potiphar en Genèse 39.1 :
« Joseph fut conduit en Égypte.
Potiphar, eunuque du Pharaon, chef des gardes, Égyptien, l’acheta de la main des Ishmaélites qui l’avaient conduit là-bas. »
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Quelle traduction faut-il retenir ?
S'agit-il de gardes, de bourreaux ... sachant que le terme hébreu peut aussi désigner un exécuteur.
Le garde ou gardien a une fonction de surveillance.
Le bourreau a pour mission d'exécuter des individus.
C'est très différent ... mais le garde ne peut-il pas, à l'occasion, servir de bourreau, tout en conservant pour activité principale de garder les prisonniers enfermés dans la rotonde ?
Quand il est question de Potiphar en Genèse 39.1, dignitaire égyptien, en conservant la notion de « chef des gardes », nous supposons que cet homme n'exécutait pas de sa propre main les condamnés.
Lorsque nous descendons d'un rang dans l'échelle sociale en Genèse 40.3, nous nous approchons de « gardes » susceptibles d'avoir aussi la fonction de « bourreaux ».
Le contexte étant différent, la traduction pourrait l'être aussi.
La suite du récit nous apprend que l'un des deux eunuques emprisonnés avec Joseph sera exécuté.
Il serait donc logique que la notion de « bourreau » soit retenue.
Il est probable que l'on n'ira pas chercher un bourreau à l'autre bout de l'Égypte car les exécutions étaient fréquentes.
Chaque prison pouvait avoir ses propres gardes utilisés comme bourreaux si nécessaire.
De nos jours, imaginer qu'un gardien de prison puisse être désigné du doigt pour éliminer un condamné est inconcevable dans une société qui se considère comme civilisée.
D'autant plus inconcevable que la peine de mort est abolie dans de nombreux pays.
Mais autrefois, le respect de la vie humaine, et notamment celle des esclaves, ne faisait pas partie des valeurs morales auxquelles on pouvait être attaché.
Songeons aussi aux conditions dans lesquelles Jean le baptiste fut exécuté au temps de Jésus ...
« Le roi envoya aussitôt un garde du corps avec l'ordre d'apporter la tête. Il se rendit dans la prison pour le décapiter.
Il rapporta la tête sur un plat et la donna à la jeune fille. La jeune fille donna celle-ci à sa mère. »
(Marc 6.27-28)
Par la suite, avec Moïse (Livre de l'Exode), la lecture de la Bible nous enseigne que le séjour des Hébreux en Egypte fut considéré comme un esclavage.
Combien d'hommes et de femmes appartenant à ce peuple sont tombés sous les coups des bourreaux ?
Des milliers probablement.
De ce fait, c'est le régime de Pharaon, et l'ensemble de la civilisation égyptienne, qui a pu être considéré par les Juifs comme un monde de bourreaux.
On pourrait objecter que l'histoire du peuple juif est loin d'être toujours imprégnée de considération pour la vie humaine y compris de la part du peuple élu.
Mais il ne faut jamais oublier que la grande, la belle civilisation égyptienne qui nous a livré de merveilleuses pyramides, s'est développée au prix de la vie de dizaines de milliers d'esclaves sacrifiés d'une façon ou d'une autre pour la plus grande gloire des pharaons et d'un système totalitaire.