Le sens de l'honneur peut se définir comme un ensemble de principes moraux qui incitent à ne jamais accomplir une action qui fasse perdre :
- l'estime qu'on a de soi,
- ou celle qu'autrui nous porte.
Dans le cas présent, le fait d'avoir massacré tous les hommes de Sichem ne répond pas aux seconds termes de cette définiton et Jacob s'en inquiète :
« Vous m'inquiétez en me mettant en mauvaise odeur auprès des habitants de cette terre, les Cananéens et les Perizzites. » (Genèse 34.30)
On ne peut en effet, après de tels actes, s'attendre à une quelconque estime des populations résidant en Canaan.
Mais si l'on ne recherche pas l'estime des autres ... c'est peut-être parce que l'on privilégie l'estime que l'on a de soi ?
Et c'est probablement le cas des fils de Jacob qui répondent alors à cette autre définition du sens de l'honneur :
"Sentiment de sa propre dignité, de sa réputation."
En salissant Dina, en la traitant "comme une prostituée", Sichem a porté atteinte à la réputation de la famille de Jacob.
Fallait-il pour autant massacrer tous les hommes de Sichem ?
Sichem est à la fois le nom de la cité où Jacob s'est installé (Genèse 33.18) ... et celui du fils de Hamor, prince de cette cité.
De ce fait, le lien que l'on peut établir entre le nom de la cité et celui de l'homme qui a violé Dina peut justifier, pour les fils de Jacob, une responsabilité collective des hommes de Sichem qui vont ainsi payer le prix du viol commis par l'un d'entre eux.
L'usage abusif du sens de l'honneur est fréquent.
Il est dirigé par un besoin de "vengeance", mot qui se traduit en italien par "vendetta".
Il s'agit d'une haine, d'une hostilité qui existe notamment dans le bassin méditerranéen et dans les Balkans entre des familles, et qui cause souvent des meurtres.
Se souvient-on seulement de l'origine de cette haine ?
Les enfants des Cananéens massacrés par les fils de Jacob pourront porter une haine héréditaire envers les Israélites ... mais se souviendront-ils à long terme que la cause de cette haine fut le viol de Dina ?
Le sens de l'honneur est bien souvent incontrôlé.
Il se fonde sur un sentiment que l'on a au plus profond de soi et qui se manifeste lorsque l'on ressent que notre dignité, celle de notre famille ou de notre peuple pourrait être mise en cause.
Certains se saisiront de ce sentiment individuel ou collectif pour mobiliser l'opinion.
Le 22 juin 1940, Charles de Gaulle déclarait :
"L’honneur, le bon sens, l’intérêt supérieur de la Patrie, commandent à tous les Français libres de continuer le combat, là où ils seront et comme ils pourront."
L'histoire lui a donné raison ... il fallait poursuivre le combat contre l'Allemagne nazie.
Ceux qui sont partis au combat ont peut-être agit au nom du sens de l'honneur, pour la patrie ... ou pour anéantir la dictature nazie.
En ce cas, leur sens de l'honneur consistait simplement à vouloir vivre libres, et pouvoir garder la tête haute face au joug de l'adversaire.
La plupart seront des combattants de l'ombre, "illustres inconnus" qui ne parleront jamais du sens de l'honneur ... parce que pour eux, l'humilité est plus forte que le sens de l'honneur.
L'humilité vraie et parfaite consiste à mépriser l'honneur que l'on vous rend et à ne point souhaiter être glorifié.
« Dieu résiste aux orgueilleux, mais Il fait grâce aux humbles. » (Epître de Jacques 4.6 d'après Proverbes 3.34)
Que l'on ait une certaine considération de soi, un minimum de fierté, est légitime.
En ce cas, le sens de l'honneur restera discret, à l'intérieur de soi.
Mais ceux qui l'affichent et se vantent de placer l'honneur au-dessus de tout ont probablement transformé leur fierté en orgueil.
Ils n'appartiennent pas au même monde ...
